Le Problème du Néoplatonisme Alexandrin: Hiéroclès et Simplicius., 1978
By: Hadot, Ilsetraut
Title Le Problème du Néoplatonisme Alexandrin: Hiéroclès et Simplicius.
Type Monograph
Language French
Date 1978
Publication Place Paris
Publisher Études Augustiniennes
Categories no categories
Author(s) Hadot, Ilsetraut
Editor(s)
Translator(s)
Review by Victor Goldschmidt: "La modestie de son titre ne révèle qu'imparfaitement l'objet et la portée de ce livre. Il s'agit en réalité de réformer l'idée traditionnelle qu'on se faisait de deux courants de la pensée antique. C'est entre le début du ve siècle de notre ère, en effet, jusqu'au début du viie que s'étend l'espace temporel où K. Praechter, suivi par tous les savants venus après lui, avait situé ce qu'il appelait « L'École alexandrine ». Ce mouvement se distinguerait fondamentalement de l'École d'Athènes, par son abandon partiel des constructions métaphysiques de Proclus et de ses élèves, par un retour au « moyen platonisme », par ses rapports de bon voisinage avec les milieux chrétiens, et représenterait « un lieu de culture philosophiquement neutre, sans credo platonico-païen », et plaçant l'étude d'Aristote au-dessus de celle de Platon. Les traits de cette École se verraient avec une particulière netteté dans le commentaire d'Hiéroclès sur les Vers Dorés attribués à Pythagore, et dans le commentaire que Simplicius, avant d'être entré en rapport avec l'École d'Athènes, a consacré au Manuel d'Épictète. Or c'est précisément en préparant une édition commentée du commentaire de Simplicius (à paraître dans la Collection G. Budé), que l'A. a rencontré « le problème du néoplatonisme alexandrin » ; la thèse traditionnelle lui a semblé alors insoutenable, pour des raisons tant historiques que de doctrine. En bref, comme le dit l'auteur dans une formule remarquable, ce que l'on a pris pour un « néoplatonisme plus simple » est en réalité un « néoplatonisme simplifié », et même « fragmenté », et cela uniquement pour les besoins de l'enseignement. Il est montré, en effet, d'une façon convaincante, que les deux Commentaires, d'Hiéroclès et de Simplicius, relèvent de ce que nous appellerions une propédeutique, c'est-à-dire qu'ils s'adressent à des débutants qu'il s'agit d'initier dans la « première » partie de la philosophie, réputée la plus accessible, en l'espèce l'éthique. On sait que ce problème pédagogique s'est posé dès le début dans l'École stoïcienne et qu'il a été longuement discuté par les commentateurs d'Aristote, qui donnent toutefois, généralement, la première place à la logique. Le VIIe chapitre apporte une contribution importante à l'histoire de ce problème. D'où l'on voit déjà que c'est en apparence seulement que le résultat de l'ouvrage est négatif. Sans doute s'agit-il surtout de réfuter la thèse de K. Praechter, renouvelée par A. Cameron et Ph. Merlan ; la Conclusion se termine sur cette affirmation qu'« il n'y a pas d'école néoplatonicienne d'Alexandrie dont les tendances doctrinales différeraient des tendances propres à l'école d'Athènes ». De fait, le livre contient une interprétation développée des fragments d'Hiéroclès conservés par Photius et, surtout, de son Commentaire sur les Vers Dorés, montrant l'accord de ces textes avec le néoplatonisme « athénien ». Ces exégèses sont conduites avec fermeté, appuyées sur une vaste information, et emportent la conviction, quoi qu'il en soit de tel ou tel point de détail. Quelques questions, d'ordre plus général, pourraient être pesées. — P. 37 : il est certain que le thème du « philosophe dans l'État corrompu » est un lieu commun et que le τειχίον, dans le texte de Simplicius est clairement une réminiscence de la République (VI, 496 c-d). Est-ce suffisant pour infirmer la thèse d'A. Cameron, qui voit dans ce texte une allusion à la place faite aux philosophes néoplatoniciens après l'édit de Justinien ? De telles citations, l'auteur en convient lui-même deux pages plus loin, n'excluent nullement un « intérêt personnel » et, plus généralement, la négation de principe de « remarques autobiographiques chez les auteurs antiques » (p. 39) est exagérée et même inexacte. — P. 128 : l'exposé de Chalcidius sur le Destin, qui est un texte canonique et qui au surplus avait servi à K. Praechter à caractériser le « moyen platonisme », méritait mieux qu'un bref résumé : il était bon de rappeler qu'il s'agit, à la suite d'ailleurs de Chrysippe, du commentaire d'un texte du Xe Livre de la République ; on ne peut pas, en l'espèce, parler de « l'implication mutuelle de la providence et de VHeimarménè », et la note 40 simplifie le problème de la liberté stoïcienne, qu'on n'était pas sans doute obligé de traiter, mais auquel il fallait laisser sa complexité de problème, précisément ; l'on ne saurait écrire, en tout état de cause, que « pour les choses qui sont faites par fatalité, leur contraire aurait pu aussi bien se faire », thèse qui ne semble avoir été soutenue que par le seul Cléanthe. — Le chapitre VII répond à la question, naguère posée par R. Walzer : « Comment peut-on expliquer le fait que Simplicius, en tant que platonicien, commente les maximes éthiques d'un stoïcien ? ». La réponse combine essentiellement deux considérations : l'apathie du sage stoïcien est déjà admise dans le traité de Plotin Sur les Vertus (I, ii) et le caractère sententieux du Manuel qui convient bien à des débutants. Sans doute, du point de vue historique, est-ce là tout ce qu'on peut alléguer. De fait, l'éthique plotinienne ne se résume pas à l'idéal d'apathie et le genre gnomologique qu'on peut faire remonter aux Sept Sages avait trouvé bien d'autres illustrations, ne serait-ce que, comme l'auteur le rappelle avec raison, chez les Pythagoriciens. On se demandera plutôt si, de la part de Simplicius, le choix du Manuel ne s'explique pas plus simplement par l'attrait extraordinaire que ce petit livre a exercé de tout temps sur les lecteurs, et cela en dehors de toute appartenance à telle ou telle secte. Une dernière question, enfin. On doit considérer que Mme Hadot a établi son propos, et que l'on ne parlera plus d'une « école alexandrine », opposée à celle d'Athènes et différenciée de celle-ci selon les traits que Praechter avait cru pouvoir constater. Il reste qu'il y a eu, dans la période en question, des néoplatoniciens vivant et enseignant à Alexandrie. Même en admettant leur « orthodoxie » foncière, ces hommes (sans parler d'Hypatie qui a subi pour la philosophie un martyre qui lui eût été épargné à Athènes) ne présentent-ils pas quelques caractères communs : rien que leur environnement culturel le ferait conjecturer. Mais ce serait là l'objet d'une autre recherche, complémentaire de celle-ci. En attendant, on saura gré à l'auteur de cet ouvrage doublement précieux : par ses résultats intrinsèques, et en tant qu'introduction à son édition à paraître d'un texte jusqu'à présent fort peu étudié."

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Cameron, qui voit dans ce texte une allusion \u00e0 la place faite aux philosophes n\u00e9oplatoniciens apr\u00e8s l'\u00e9dit de Justinien ? De telles citations, l'auteur en convient lui-m\u00eame deux pages plus loin, n'excluent nullement un \u00ab int\u00e9r\u00eat personnel \u00bb et, plus g\u00e9n\u00e9ralement, la n\u00e9gation de principe de \u00ab remarques autobiographiques chez les auteurs antiques \u00bb (p. 39) est exag\u00e9r\u00e9e et m\u00eame inexacte. \u2014 P. 128 : l'expos\u00e9 de Chalcidius sur le Destin, qui est un texte canonique et qui au surplus avait servi \u00e0 K. Praechter \u00e0 caract\u00e9riser le \u00ab moyen platonisme \u00bb, m\u00e9ritait mieux qu'un bref r\u00e9sum\u00e9 : il \u00e9tait bon de rappeler qu'il s'agit, \u00e0 la suite d'ailleurs de Chrysippe, du commentaire d'un texte du Xe Livre de la R\u00e9publique ; on ne peut pas, en l'esp\u00e8ce, parler de \u00ab l'implication mutuelle de la providence et de VHeimarm\u00e9n\u00e8 \u00bb, et la note 40 simplifie le probl\u00e8me de la libert\u00e9 sto\u00efcienne, qu'on n'\u00e9tait pas sans doute oblig\u00e9 de traiter, mais auquel il fallait laisser sa complexit\u00e9 de probl\u00e8me, pr\u00e9cis\u00e9ment ; l'on ne saurait \u00e9crire, en tout \u00e9tat de cause, que \u00ab pour les choses qui sont faites par fatalit\u00e9, leur contraire aurait pu aussi bien se faire \u00bb, th\u00e8se qui ne semble avoir \u00e9t\u00e9 soutenue que par le seul Cl\u00e9anthe. \u2014 Le chapitre VII r\u00e9pond \u00e0 la question, nagu\u00e8re pos\u00e9e par R. Walzer : \u00ab Comment peut-on expliquer le fait que Simplicius, en tant que platonicien, commente les maximes \u00e9thiques d'un sto\u00efcien ? \u00bb. La r\u00e9ponse combine essentiellement deux consid\u00e9rations : l'apathie du sage sto\u00efcien est d\u00e9j\u00e0 admise dans le trait\u00e9 de Plotin Sur les Vertus (I, ii) et le caract\u00e8re sententieux du Manuel qui convient bien \u00e0 des d\u00e9butants. Sans doute, du point de vue historique, est-ce l\u00e0 tout ce qu'on peut all\u00e9guer. De fait, l'\u00e9thique plotinienne ne se r\u00e9sume pas \u00e0 l'id\u00e9al d'apathie et le genre gnomologique qu'on peut faire remonter aux Sept Sages avait trouv\u00e9 bien d'autres illustrations, ne serait-ce que, comme l'auteur le rappelle avec raison, chez les Pythagoriciens. On se demandera plut\u00f4t si, de la part de Simplicius, le choix du Manuel ne s'explique pas plus simplement par l'attrait extraordinaire que ce petit livre a exerc\u00e9 de tout temps sur les lecteurs, et cela en dehors de toute appartenance \u00e0 telle ou telle secte.\r\nUne derni\u00e8re question, enfin. On doit consid\u00e9rer que Mme Hadot a \u00e9tabli son propos, et que l'on ne parlera plus d'une \u00ab \u00e9cole alexandrine \u00bb, oppos\u00e9e \u00e0 celle d'Ath\u00e8nes et diff\u00e9renci\u00e9e de celle-ci selon les traits que Praechter avait cru pouvoir constater. Il reste qu'il y a eu, dans la p\u00e9riode en question, des n\u00e9oplatoniciens vivant et enseignant \u00e0 Alexandrie. M\u00eame en admettant leur \u00ab orthodoxie \u00bb fonci\u00e8re, ces hommes (sans parler d'Hypatie qui a subi pour la philosophie un martyre qui lui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9 \u00e0 Ath\u00e8nes) ne pr\u00e9sentent-ils pas quelques caract\u00e8res communs : rien que leur environnement culturel le ferait conjecturer. Mais ce serait l\u00e0 l'objet d'une autre recherche, compl\u00e9mentaire de celle-ci.\r\nEn attendant, on saura gr\u00e9 \u00e0 l'auteur de cet ouvrage doublement pr\u00e9cieux : par ses r\u00e9sultats intrins\u00e8ques, et en tant qu'introduction \u00e0 son \u00e9dition \u00e0 para\u00eetre d'un texte jusqu'\u00e0 pr\u00e9sent fort peu \u00e9tudi\u00e9.\"","btype":1,"date":"1978","language":"French","online_url":"","online_resources":"https:\/\/uni-koeln.sciebo.de\/s\/yVaEGm6PWAcLlQ0","doi_url":null,"categories":[],"authors":[{"id":4,"full_name":"Hadot, Ilsetraut","role":{"id":1,"role_name":"author"}}],"book":{"id":180,"pubplace":"Paris","publisher":"\u00c9tudes Augustiniennes","series":"","volume":"","edition_no":"","valid_from":null,"valid_until":null},"booksection":null,"article":null},"sort":[1978]}

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Le Problème du Néoplatonisme Alexandrin: Hiéroclès et Simplicius., 1978
By: Hadot, Ilsetraut
Title Le Problème du Néoplatonisme Alexandrin: Hiéroclès et Simplicius.
Type Monograph
Language French
Date 1978
Publication Place Paris
Publisher Études Augustiniennes
Categories no categories
Author(s) Hadot, Ilsetraut
Editor(s)
Translator(s)
Review by Victor Goldschmidt: "La modestie de son titre ne révèle qu'imparfaitement l'objet et la portée de ce livre. Il s'agit en réalité de réformer l'idée traditionnelle qu'on se faisait de deux courants de la pensée antique. C'est entre le début du ve siècle de notre ère, en effet, jusqu'au début du viie que s'étend l'espace temporel où K. Praechter, suivi par tous les savants venus après lui, avait situé ce qu'il appelait « L'École alexandrine ». Ce mouvement se distinguerait fondamentalement de l'École d'Athènes, par son abandon partiel des constructions métaphysiques de Proclus et de ses élèves, par un retour au « moyen platonisme », par ses rapports de bon voisinage avec les milieux chrétiens, et représenterait « un lieu de culture philosophiquement neutre, sans credo platonico-païen », et plaçant l'étude d'Aristote au-dessus de celle de Platon. Les traits de cette École se verraient avec une particulière netteté dans le commentaire d'Hiéroclès sur les Vers Dorés attribués à Pythagore, et dans le commentaire que Simplicius, avant d'être entré en rapport avec l'École d'Athènes, a consacré au Manuel d'Épictète. Or c'est précisément en préparant une édition commentée du commentaire de Simplicius (à paraître dans la Collection G. Budé), que l'A. a rencontré « le problème du néoplatonisme alexandrin » ; la thèse traditionnelle lui a semblé alors insoutenable, pour des raisons tant historiques que de doctrine.
En bref, comme le dit l'auteur dans une formule remarquable, ce que l'on a pris pour un « néoplatonisme plus simple » est en réalité un « néoplatonisme simplifié », et même « fragmenté », et cela uniquement pour les besoins de l'enseignement. Il est montré, en effet, d'une façon convaincante, que les deux Commentaires, d'Hiéroclès et de Simplicius, relèvent de ce que nous appellerions une propédeutique, c'est-à-dire qu'ils s'adressent à des débutants qu'il s'agit d'initier dans la « première » partie de la philosophie, réputée la plus accessible, en l'espèce l'éthique. On sait que ce problème pédagogique s'est posé dès le début dans l'École stoïcienne et qu'il a été longuement discuté par les commentateurs d'Aristote, qui donnent toutefois, généralement, la première place à la logique. Le VIIe chapitre apporte une contribution importante à l'histoire de ce problème.
D'où l'on voit déjà que c'est en apparence seulement que le résultat de l'ouvrage est négatif. Sans doute s'agit-il surtout de réfuter la thèse de K. Praechter, renouvelée par A. Cameron et Ph. Merlan ; la Conclusion se termine sur cette affirmation qu'« il n'y a pas d'école néoplatonicienne d'Alexandrie dont les tendances doctrinales différeraient des tendances propres à l'école d'Athènes ». De fait, le livre contient une interprétation développée des fragments d'Hiéroclès conservés par Photius et, surtout, de son Commentaire sur les Vers Dorés, montrant l'accord de ces textes avec le néoplatonisme « athénien ». Ces exégèses sont conduites avec fermeté, appuyées sur une vaste information, et emportent la conviction, quoi qu'il en soit de tel ou tel point de détail. Quelques questions, d'ordre plus général, pourraient être pesées. — P. 37 : il est certain que le thème du « philosophe dans l'État corrompu » est un lieu commun et que le τειχίον, dans le texte de Simplicius est clairement une réminiscence de la République (VI, 496 c-d). Est-ce suffisant pour infirmer la thèse d'A. Cameron, qui voit dans ce texte une allusion à la place faite aux philosophes néoplatoniciens après l'édit de Justinien ? De telles citations, l'auteur en convient lui-même deux pages plus loin, n'excluent nullement un « intérêt personnel » et, plus généralement, la négation de principe de « remarques autobiographiques chez les auteurs antiques » (p. 39) est exagérée et même inexacte. — P. 128 : l'exposé de Chalcidius sur le Destin, qui est un texte canonique et qui au surplus avait servi à K. Praechter à caractériser le « moyen platonisme », méritait mieux qu'un bref résumé : il était bon de rappeler qu'il s'agit, à la suite d'ailleurs de Chrysippe, du commentaire d'un texte du Xe Livre de la République ; on ne peut pas, en l'espèce, parler de « l'implication mutuelle de la providence et de VHeimarménè », et la note 40 simplifie le problème de la liberté stoïcienne, qu'on n'était pas sans doute obligé de traiter, mais auquel il fallait laisser sa complexité de problème, précisément ; l'on ne saurait écrire, en tout état de cause, que « pour les choses qui sont faites par fatalité, leur contraire aurait pu aussi bien se faire », thèse qui ne semble avoir été soutenue que par le seul Cléanthe. — Le chapitre VII répond à la question, naguère posée par R. Walzer : « Comment peut-on expliquer le fait que Simplicius, en tant que platonicien, commente les maximes éthiques d'un stoïcien ? ». La réponse combine essentiellement deux considérations : l'apathie du sage stoïcien est déjà admise dans le traité de Plotin Sur les Vertus (I, ii) et le caractère sententieux du Manuel qui convient bien à des débutants. Sans doute, du point de vue historique, est-ce là tout ce qu'on peut alléguer. De fait, l'éthique plotinienne ne se résume pas à l'idéal d'apathie et le genre gnomologique qu'on peut faire remonter aux Sept Sages avait trouvé bien d'autres illustrations, ne serait-ce que, comme l'auteur le rappelle avec raison, chez les Pythagoriciens. On se demandera plutôt si, de la part de Simplicius, le choix du Manuel ne s'explique pas plus simplement par l'attrait extraordinaire que ce petit livre a exercé de tout temps sur les lecteurs, et cela en dehors de toute appartenance à telle ou telle secte.
Une dernière question, enfin. On doit considérer que Mme Hadot a établi son propos, et que l'on ne parlera plus d'une « école alexandrine », opposée à celle d'Athènes et différenciée de celle-ci selon les traits que Praechter avait cru pouvoir constater. Il reste qu'il y a eu, dans la période en question, des néoplatoniciens vivant et enseignant à Alexandrie. Même en admettant leur « orthodoxie » foncière, ces hommes (sans parler d'Hypatie qui a subi pour la philosophie un martyre qui lui eût été épargné à Athènes) ne présentent-ils pas quelques caractères communs : rien que leur environnement culturel le ferait conjecturer. Mais ce serait là l'objet d'une autre recherche, complémentaire de celle-ci.
En attendant, on saura gré à l'auteur de cet ouvrage doublement précieux : par ses résultats intrinsèques, et en tant qu'introduction à son édition à paraître d'un texte jusqu'à présent fort peu étudié."

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Il s'agit en r\u00e9alit\u00e9 de r\u00e9former l'id\u00e9e traditionnelle qu'on se faisait de deux courants de la pens\u00e9e antique. C'est entre le d\u00e9but du ve si\u00e8cle de notre \u00e8re, en effet, jusqu'au d\u00e9but du viie que s'\u00e9tend l'espace temporel o\u00f9 K. Praechter, suivi par tous les savants venus apr\u00e8s lui, avait situ\u00e9 ce qu'il appelait \u00ab L'\u00c9cole alexandrine \u00bb. Ce mouvement se distinguerait fondamentalement de l'\u00c9cole d'Ath\u00e8nes, par son abandon partiel des constructions m\u00e9taphysiques de Proclus et de ses \u00e9l\u00e8ves, par un retour au \u00ab moyen platonisme \u00bb, par ses rapports de bon voisinage avec les milieux chr\u00e9tiens, et repr\u00e9senterait \u00ab un lieu de culture philosophiquement neutre, sans credo platonico-pa\u00efen \u00bb, et pla\u00e7ant l'\u00e9tude d'Aristote au-dessus de celle de Platon. Les traits de cette \u00c9cole se verraient avec une particuli\u00e8re nettet\u00e9 dans le commentaire d'Hi\u00e9rocl\u00e8s sur les Vers Dor\u00e9s attribu\u00e9s \u00e0 Pythagore, et dans le commentaire que Simplicius, avant d'\u00eatre entr\u00e9 en rapport avec l'\u00c9cole d'Ath\u00e8nes, a consacr\u00e9 au Manuel d'\u00c9pict\u00e8te. Or c'est pr\u00e9cis\u00e9ment en pr\u00e9parant une \u00e9dition comment\u00e9e du commentaire de Simplicius (\u00e0 para\u00eetre dans la Collection G. Bud\u00e9), que l'A. a rencontr\u00e9 \u00ab le probl\u00e8me du n\u00e9oplatonisme alexandrin \u00bb ; la th\u00e8se traditionnelle lui a sembl\u00e9 alors insoutenable, pour des raisons tant historiques que de doctrine.\r\nEn bref, comme le dit l'auteur dans une formule remarquable, ce que l'on a pris pour un \u00ab n\u00e9oplatonisme plus simple \u00bb est en r\u00e9alit\u00e9 un \u00ab n\u00e9oplatonisme simplifi\u00e9 \u00bb, et m\u00eame \u00ab fragment\u00e9 \u00bb, et cela uniquement pour les besoins de l'enseignement. Il est montr\u00e9, en effet, d'une fa\u00e7on convaincante, que les deux Commentaires, d'Hi\u00e9rocl\u00e8s et de Simplicius, rel\u00e8vent de ce que nous appellerions une prop\u00e9deutique, c'est-\u00e0-dire qu'ils s'adressent \u00e0 des d\u00e9butants qu'il s'agit d'initier dans la \u00ab premi\u00e8re \u00bb partie de la philosophie, r\u00e9put\u00e9e la plus accessible, en l'esp\u00e8ce l'\u00e9thique. On sait que ce probl\u00e8me p\u00e9dagogique s'est pos\u00e9 d\u00e8s le d\u00e9but dans l'\u00c9cole sto\u00efcienne et qu'il a \u00e9t\u00e9 longuement discut\u00e9 par les commentateurs d'Aristote, qui donnent toutefois, g\u00e9n\u00e9ralement, la premi\u00e8re place \u00e0 la logique. Le VIIe chapitre apporte une contribution importante \u00e0 l'histoire de ce probl\u00e8me.\r\nD'o\u00f9 l'on voit d\u00e9j\u00e0 que c'est en apparence seulement que le r\u00e9sultat de l'ouvrage est n\u00e9gatif. Sans doute s'agit-il surtout de r\u00e9futer la th\u00e8se de K. Praechter, renouvel\u00e9e par A. Cameron et Ph. Merlan ; la Conclusion se termine sur cette affirmation qu'\u00ab il n'y a pas d'\u00e9cole n\u00e9oplatonicienne d'Alexandrie dont les tendances doctrinales diff\u00e9reraient des tendances propres \u00e0 l'\u00e9cole d'Ath\u00e8nes \u00bb. De fait, le livre contient une interpr\u00e9tation d\u00e9velopp\u00e9e des fragments d'Hi\u00e9rocl\u00e8s conserv\u00e9s par Photius et, surtout, de son Commentaire sur les Vers Dor\u00e9s, montrant l'accord de ces textes avec le n\u00e9oplatonisme \u00ab ath\u00e9nien \u00bb. Ces ex\u00e9g\u00e8ses sont conduites avec fermet\u00e9, appuy\u00e9es sur une vaste information, et emportent la conviction, quoi qu'il en soit de tel ou tel point de d\u00e9tail. Quelques questions, d'ordre plus g\u00e9n\u00e9ral, pourraient \u00eatre pes\u00e9es. \u2014 P. 37 : il est certain que le th\u00e8me du \u00ab philosophe dans l'\u00c9tat corrompu \u00bb est un lieu commun et que le \u03c4\u03b5\u03b9\u03c7\u03af\u03bf\u03bd, dans le texte de Simplicius est clairement une r\u00e9miniscence de la R\u00e9publique (VI, 496 c-d). Est-ce suffisant pour infirmer la th\u00e8se d'A. Cameron, qui voit dans ce texte une allusion \u00e0 la place faite aux philosophes n\u00e9oplatoniciens apr\u00e8s l'\u00e9dit de Justinien ? De telles citations, l'auteur en convient lui-m\u00eame deux pages plus loin, n'excluent nullement un \u00ab int\u00e9r\u00eat personnel \u00bb et, plus g\u00e9n\u00e9ralement, la n\u00e9gation de principe de \u00ab remarques autobiographiques chez les auteurs antiques \u00bb (p. 39) est exag\u00e9r\u00e9e et m\u00eame inexacte. \u2014 P. 128 : l'expos\u00e9 de Chalcidius sur le Destin, qui est un texte canonique et qui au surplus avait servi \u00e0 K. Praechter \u00e0 caract\u00e9riser le \u00ab moyen platonisme \u00bb, m\u00e9ritait mieux qu'un bref r\u00e9sum\u00e9 : il \u00e9tait bon de rappeler qu'il s'agit, \u00e0 la suite d'ailleurs de Chrysippe, du commentaire d'un texte du Xe Livre de la R\u00e9publique ; on ne peut pas, en l'esp\u00e8ce, parler de \u00ab l'implication mutuelle de la providence et de VHeimarm\u00e9n\u00e8 \u00bb, et la note 40 simplifie le probl\u00e8me de la libert\u00e9 sto\u00efcienne, qu'on n'\u00e9tait pas sans doute oblig\u00e9 de traiter, mais auquel il fallait laisser sa complexit\u00e9 de probl\u00e8me, pr\u00e9cis\u00e9ment ; l'on ne saurait \u00e9crire, en tout \u00e9tat de cause, que \u00ab pour les choses qui sont faites par fatalit\u00e9, leur contraire aurait pu aussi bien se faire \u00bb, th\u00e8se qui ne semble avoir \u00e9t\u00e9 soutenue que par le seul Cl\u00e9anthe. \u2014 Le chapitre VII r\u00e9pond \u00e0 la question, nagu\u00e8re pos\u00e9e par R. Walzer : \u00ab Comment peut-on expliquer le fait que Simplicius, en tant que platonicien, commente les maximes \u00e9thiques d'un sto\u00efcien ? \u00bb. La r\u00e9ponse combine essentiellement deux consid\u00e9rations : l'apathie du sage sto\u00efcien est d\u00e9j\u00e0 admise dans le trait\u00e9 de Plotin Sur les Vertus (I, ii) et le caract\u00e8re sententieux du Manuel qui convient bien \u00e0 des d\u00e9butants. Sans doute, du point de vue historique, est-ce l\u00e0 tout ce qu'on peut all\u00e9guer. De fait, l'\u00e9thique plotinienne ne se r\u00e9sume pas \u00e0 l'id\u00e9al d'apathie et le genre gnomologique qu'on peut faire remonter aux Sept Sages avait trouv\u00e9 bien d'autres illustrations, ne serait-ce que, comme l'auteur le rappelle avec raison, chez les Pythagoriciens. On se demandera plut\u00f4t si, de la part de Simplicius, le choix du Manuel ne s'explique pas plus simplement par l'attrait extraordinaire que ce petit livre a exerc\u00e9 de tout temps sur les lecteurs, et cela en dehors de toute appartenance \u00e0 telle ou telle secte.\r\nUne derni\u00e8re question, enfin. On doit consid\u00e9rer que Mme Hadot a \u00e9tabli son propos, et que l'on ne parlera plus d'une \u00ab \u00e9cole alexandrine \u00bb, oppos\u00e9e \u00e0 celle d'Ath\u00e8nes et diff\u00e9renci\u00e9e de celle-ci selon les traits que Praechter avait cru pouvoir constater. Il reste qu'il y a eu, dans la p\u00e9riode en question, des n\u00e9oplatoniciens vivant et enseignant \u00e0 Alexandrie. M\u00eame en admettant leur \u00ab orthodoxie \u00bb fonci\u00e8re, ces hommes (sans parler d'Hypatie qui a subi pour la philosophie un martyre qui lui e\u00fbt \u00e9t\u00e9 \u00e9pargn\u00e9 \u00e0 Ath\u00e8nes) ne pr\u00e9sentent-ils pas quelques caract\u00e8res communs : rien que leur environnement culturel le ferait conjecturer. Mais ce serait l\u00e0 l'objet d'une autre recherche, compl\u00e9mentaire de celle-ci.\r\nEn attendant, on saura gr\u00e9 \u00e0 l'auteur de cet ouvrage doublement pr\u00e9cieux : par ses r\u00e9sultats intrins\u00e8ques, et en tant qu'introduction \u00e0 son \u00e9dition \u00e0 para\u00eetre d'un texte jusqu'\u00e0 pr\u00e9sent fort peu \u00e9tudi\u00e9.\"","btype":1,"date":"1978","language":"French","online_url":"","online_resources":"https:\/\/uni-koeln.sciebo.de\/s\/yVaEGm6PWAcLlQ0","doi_url":null,"categories":[],"authors":[{"id":4,"full_name":"Hadot, Ilsetraut","role":{"id":1,"role_name":"author"}}],"book":{"id":180,"pubplace":"Paris","publisher":"\u00c9tudes Augustiniennes","series":"","volume":"","edition_no":"","valid_from":null,"valid_until":null},"booksection":null,"article":null},"sort":["Le Probl\u00e8me du N\u00e9oplatonisme Alexandrin: Hi\u00e9rocl\u00e8s et Simplicius."]}

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