Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux «Météorologiques», 1953
By: Evrard, Étienne
Title Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux «Météorologiques»
Type Article
Language French
Date 1953
Journal Bulletin de la classe des lettres, sciences morales et politiques de l'Académie Royale de Belgique
Volume 5e Série, Tome 39
Pages 299–357
Categories no categories
Author(s) Evrard, Étienne
Editor(s)
Translator(s)
Philopon était probablement un chrétien de naissance. Rien en tout cas n’indique qu'il ait jamais été païen. Dès le début de son activité littéraire, il manifeste son christianisme en interprétant Aristote d’une manière favorable à l’immortalité de l'âme humaine et en le critiquant à propos de la création du monde et de l’éternité du mouvement. Il fut peut-être séduit un instant par les idées d’Origène, mais les abandonna bientôt. La fermeture de l’école d’Athènes a sans doute produit sur son esprit une assez forte impression. Il est remarquable en tout cas que son Contre Proclus est l’exact contemporain de cet événement. Peut-être la mesure de Justinien fut-elle difficilement admise dans les cercles philoso­phiques d'Alexandrie, où païens et chrétiens semblent avoir fait un effort pour harmoniser leurs points de vue. Philopon aurait alors voulu montrer qu’elle atteignait les disciples d’un philosophe dont l’enseignement était fort criticable et qui n’avait consenti aucune concession au christianisme. C’est peut-être pour la même raison qu’un peu après, dans son Commentaire aux Météorologiques, il attaqua à plusieurs reprises Damascius, qui dirigeait l’école d'Athènes au moment de sa fermeture. A ce moment encore, il prit apparemment une conscience plus nette des contradictions entre les doctrines des païen’s et sa religion. C’est en effet dans le Contre Proclus qu’apparaît pour la première fois la critique de la cinquième essence. Un ouvrage postérieur que nous ne possédons plus y ajoutait une réfutation de la théorie du mouvement surnaturel du feu. On peut penser que Philopon craignait dans ces doctrines une certaine divinisation du ciel dans laquelle il voyait une atteinte à la majesté de Dieu. Le Com­mentaire aux Météorologiques, composé après 529, révèle une accentuation de cette attitude. On y voit en plus apparaître la critique de l’astrologie. Enfin le Contre Aristote constitue comme une somme des griefs de Philopon contre le système péripatéticien. Dans le De Opificio mundi, postérieur au Contre Aristote et écrit après 557, la philosophie n’apparaît plus qu’indirectement et cède la place à la théologie et à l’exégèse biblique.Seule une étude exhaustive des œuvres de Philopon révélerait le degré d'exactitude de cette reconstitution provisoire. Celle-ci me semble du moins respecter plus complètement que celle de Gudeman les indications sur lesquelles j’ai attiré l’attention. Elle permet en outre de mieux comprendre les répercussions des événements de la première moitié du VIe siècle sur l'esprit de Philopon. [conclusion, p. 356-357]

{"_index":"sire","_type":"_doc","_id":"553","_score":null,"_source":{"id":553,"authors_free":[{"id":782,"entry_id":553,"agent_type":null,"is_normalised":null,"person_id":92,"institution_id":null,"role":{"id":1,"role_name":"author"},"free_name":"Evrard, \u00c9tienne ","free_first_name":"\u00c9tienne ","free_last_name":"Evrard","norm_person":{"id":92,"first_name":"\u00c9tienne ","last_name":"Evrard","full_name":"Evrard, \u00c9tienne ","short_ident":"","is_classical_name":null,"dnb_url":"http:\/\/d-nb.info\/gnd\/118945750","viaf_url":"","db_url":"","from_claudius":null}}],"entry_title":"Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux \u00abM\u00e9t\u00e9orologiques\u00bb","main_title":{"title":"Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux \u00abM\u00e9t\u00e9orologiques\u00bb"},"abstract":"Philopon \u00e9tait probablement un chr\u00e9tien de naissance. Rien en tout cas n\u2019indique qu'il ait jamais \u00e9t\u00e9 pa\u00efen. D\u00e8s le d\u00e9but de son activit\u00e9 litt\u00e9raire, il manifeste son christianisme en interpr\u00e9tant Aristote d\u2019une mani\u00e8re favorable \u00e0 l\u2019immortalit\u00e9 de l'\u00e2me humaine et en le \r\ncritiquant \u00e0 propos de la cr\u00e9ation du monde et de l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du mouvement. Il fut peut-\u00eatre s\u00e9duit un instant par les id\u00e9es d\u2019Orig\u00e8ne, mais les abandonna bient\u00f4t. La fermeture de l\u2019\u00e9cole \r\nd\u2019Ath\u00e8nes a sans doute produit sur son esprit une assez forte impression. Il est remarquable en tout cas que son Contre Proclus est l\u2019exact contemporain de cet \u00e9v\u00e9nement. Peut-\u00eatre la mesure de Justinien fut-elle difficilement admise dans les cercles philoso\u00adphiques d'Alexandrie, o\u00f9 pa\u00efens et chr\u00e9tiens semblent avoir \r\nfait un effort pour harmoniser leurs points de vue. Philopon aurait alors voulu montrer qu\u2019elle atteignait les disciples d\u2019un philosophe dont l\u2019enseignement \u00e9tait fort criticable et qui n\u2019avait \r\nconsenti aucune concession au christianisme. C\u2019est peut-\u00eatre pour la m\u00eame raison qu\u2019un peu apr\u00e8s, dans son Commentaire aux M\u00e9t\u00e9orologiques, il attaqua \u00e0 plusieurs reprises Damascius, qui dirigeait l\u2019\u00e9cole d'Ath\u00e8nes au moment de sa fermeture. A ce moment encore, il prit apparemment une conscience plus nette \r\ndes contradictions entre les doctrines des pa\u00efen\u2019s et sa religion. C\u2019est en effet dans le Contre Proclus qu\u2019appara\u00eet pour la premi\u00e8re fois la critique de la cinqui\u00e8me essence. Un ouvrage post\u00e9rieur \r\nque nous ne poss\u00e9dons plus y ajoutait une r\u00e9futation de la th\u00e9orie du mouvement surnaturel du feu. On peut penser que Philopon craignait dans ces doctrines une certaine divinisation du ciel dans laquelle il voyait une atteinte \u00e0 la majest\u00e9 de Dieu. Le Com\u00admentaire aux M\u00e9t\u00e9orologiques, compos\u00e9 apr\u00e8s 529, r\u00e9v\u00e8le une accentuation de cette attitude. On y voit en plus appara\u00eetre la \r\ncritique de l\u2019astrologie. Enfin le Contre Aristote constitue comme une somme des griefs de Philopon contre le syst\u00e8me p\u00e9ripat\u00e9ticien. Dans le De Opificio mundi, post\u00e9rieur au Contre Aristote \r\net \u00e9crit apr\u00e8s 557, la philosophie n\u2019appara\u00eet plus qu\u2019indirectement et c\u00e8de la place \u00e0 la th\u00e9ologie et \u00e0 l\u2019ex\u00e9g\u00e8se biblique.Seule une \u00e9tude exhaustive des \u0153uvres de Philopon r\u00e9v\u00e9lerait le degr\u00e9 d'exactitude de cette reconstitution provisoire. Celle-ci me semble du moins respecter plus compl\u00e8tement que celle de Gudeman les indications sur lesquelles j\u2019ai attir\u00e9 l\u2019attention. \r\nElle permet en outre de mieux comprendre les r\u00e9percussions des \u00e9v\u00e9nements de la premi\u00e8re moiti\u00e9 du VIe si\u00e8cle sur l'esprit \r\nde Philopon. [conclusion, p. 356-357]","btype":3,"date":"1953","language":"French","online_url":"","online_resources":"https:\/\/uni-koeln.sciebo.de\/s\/vWLkdYndnRLFCbW","doi_url":null,"categories":[],"authors":[{"id":92,"full_name":"Evrard, \u00c9tienne ","role":{"id":1,"role_name":"author"}}],"book":null,"booksection":null,"article":{"id":553,"journal_id":null,"journal_name":"Bulletin de la classe des lettres, sciences morales et politiques de l'Acad\u00e9mie Royale de Belgique","volume":"5e S\u00e9rie, Tome 39","issue":"","pages":"299\u2013357"}},"sort":[1953]}

  • PAGE 1 OF 1
Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux «Météorologiques», 1953
By: Evrard, Étienne
Title Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux «Météorologiques»
Type Article
Language French
Date 1953
Journal Bulletin de la classe des lettres, sciences morales et politiques de l'Académie Royale de Belgique
Volume 5e Série, Tome 39
Pages 299–357
Categories no categories
Author(s) Evrard, Étienne
Editor(s)
Translator(s)
Philopon  était probablement un chrétien de naissance. Rien en tout cas n’indique qu'il ait jamais été païen. Dès le début de son activité littéraire, il  manifeste  son  christianisme  en  interprétant  Aristote  d’une manière  favorable  à  l’immortalité  de  l'âme  humaine  et  en  le 
critiquant à propos de la création du monde et de l’éternité du mouvement.  Il  fut  peut-être  séduit  un  instant  par les  idées d’Origène,  mais les abandonna bientôt.  La fermeture de l’école 
d’Athènes a  sans doute  produit sur  son esprit une assez  forte impression. Il est remarquable en tout cas que son Contre Proclus est l’exact contemporain de cet événement. Peut-être la mesure de Justinien fut-elle difficilement admise dans les cercles philoso­phiques  d'Alexandrie,  où  païens  et  chrétiens  semblent  avoir 
fait  un  effort  pour  harmoniser  leurs  points  de  vue.  Philopon aurait  alors voulu montrer qu’elle atteignait  les  disciples d’un philosophe dont l’enseignement était fort criticable et qui n’avait 
consenti  aucune  concession  au  christianisme.  C’est  peut-être pour la même  raison  qu’un  peu  après,  dans  son  Commentaire aux  Météorologiques,  il attaqua à plusieurs reprises Damascius, qui  dirigeait  l’école  d'Athènes au moment  de sa fermeture.  A ce moment encore, il prit apparemment une conscience plus nette 
des contradictions entre les doctrines des païen’s et sa religion. C’est en effet dans le Contre Proclus qu’apparaît pour la première fois la critique de la cinquième essence.  Un ouvrage postérieur 
que nous ne possédons plus y ajoutait une réfutation de la théorie du mouvement surnaturel du feu. On peut penser que Philopon craignait  dans  ces  doctrines  une  certaine  divinisation  du  ciel dans laquelle il voyait une atteinte à la majesté de Dieu. Le Com­mentaire  aux  Météorologiques,  composé  après  529,  révèle  une accentuation de cette attitude. On y voit en plus apparaître la 
critique de l’astrologie. Enfin le Contre Aristote constitue comme une somme des griefs de  Philopon  contre le système  péripatéticien. Dans le De  Opificio  mundi, postérieur au Contre  Aristote 
et écrit après 557, la philosophie n’apparaît plus qu’indirectement et cède la place à la théologie et à l’exégèse biblique.Seule une étude exhaustive des œuvres de Philopon révélerait le degré d'exactitude de cette reconstitution provisoire.  Celle-ci me semble du moins respecter plus complètement  que celle de Gudeman  les  indications  sur  lesquelles  j’ai  attiré  l’attention. 
Elle  permet  en  outre  de  mieux  comprendre  les  répercussions des événements de la première moitié du VIe siècle sur l'esprit 
de Philopon. [conclusion, p. 356-357]

{"_index":"sire","_type":"_doc","_id":"553","_score":null,"_source":{"id":553,"authors_free":[{"id":782,"entry_id":553,"agent_type":null,"is_normalised":null,"person_id":92,"institution_id":null,"role":{"id":1,"role_name":"author"},"free_name":"Evrard, \u00c9tienne ","free_first_name":"\u00c9tienne ","free_last_name":"Evrard","norm_person":{"id":92,"first_name":"\u00c9tienne ","last_name":"Evrard","full_name":"Evrard, \u00c9tienne ","short_ident":"","is_classical_name":null,"dnb_url":"http:\/\/d-nb.info\/gnd\/118945750","viaf_url":"","db_url":"","from_claudius":null}}],"entry_title":"Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux \u00abM\u00e9t\u00e9orologiques\u00bb","main_title":{"title":"Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux \u00abM\u00e9t\u00e9orologiques\u00bb"},"abstract":"Philopon \u00e9tait probablement un chr\u00e9tien de naissance. Rien en tout cas n\u2019indique qu'il ait jamais \u00e9t\u00e9 pa\u00efen. D\u00e8s le d\u00e9but de son activit\u00e9 litt\u00e9raire, il manifeste son christianisme en interpr\u00e9tant Aristote d\u2019une mani\u00e8re favorable \u00e0 l\u2019immortalit\u00e9 de l'\u00e2me humaine et en le \r\ncritiquant \u00e0 propos de la cr\u00e9ation du monde et de l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du mouvement. Il fut peut-\u00eatre s\u00e9duit un instant par les id\u00e9es d\u2019Orig\u00e8ne, mais les abandonna bient\u00f4t. La fermeture de l\u2019\u00e9cole \r\nd\u2019Ath\u00e8nes a sans doute produit sur son esprit une assez forte impression. Il est remarquable en tout cas que son Contre Proclus est l\u2019exact contemporain de cet \u00e9v\u00e9nement. Peut-\u00eatre la mesure de Justinien fut-elle difficilement admise dans les cercles philoso\u00adphiques d'Alexandrie, o\u00f9 pa\u00efens et chr\u00e9tiens semblent avoir \r\nfait un effort pour harmoniser leurs points de vue. Philopon aurait alors voulu montrer qu\u2019elle atteignait les disciples d\u2019un philosophe dont l\u2019enseignement \u00e9tait fort criticable et qui n\u2019avait \r\nconsenti aucune concession au christianisme. C\u2019est peut-\u00eatre pour la m\u00eame raison qu\u2019un peu apr\u00e8s, dans son Commentaire aux M\u00e9t\u00e9orologiques, il attaqua \u00e0 plusieurs reprises Damascius, qui dirigeait l\u2019\u00e9cole d'Ath\u00e8nes au moment de sa fermeture. A ce moment encore, il prit apparemment une conscience plus nette \r\ndes contradictions entre les doctrines des pa\u00efen\u2019s et sa religion. C\u2019est en effet dans le Contre Proclus qu\u2019appara\u00eet pour la premi\u00e8re fois la critique de la cinqui\u00e8me essence. Un ouvrage post\u00e9rieur \r\nque nous ne poss\u00e9dons plus y ajoutait une r\u00e9futation de la th\u00e9orie du mouvement surnaturel du feu. On peut penser que Philopon craignait dans ces doctrines une certaine divinisation du ciel dans laquelle il voyait une atteinte \u00e0 la majest\u00e9 de Dieu. Le Com\u00admentaire aux M\u00e9t\u00e9orologiques, compos\u00e9 apr\u00e8s 529, r\u00e9v\u00e8le une accentuation de cette attitude. On y voit en plus appara\u00eetre la \r\ncritique de l\u2019astrologie. Enfin le Contre Aristote constitue comme une somme des griefs de Philopon contre le syst\u00e8me p\u00e9ripat\u00e9ticien. Dans le De Opificio mundi, post\u00e9rieur au Contre Aristote \r\net \u00e9crit apr\u00e8s 557, la philosophie n\u2019appara\u00eet plus qu\u2019indirectement et c\u00e8de la place \u00e0 la th\u00e9ologie et \u00e0 l\u2019ex\u00e9g\u00e8se biblique.Seule une \u00e9tude exhaustive des \u0153uvres de Philopon r\u00e9v\u00e9lerait le degr\u00e9 d'exactitude de cette reconstitution provisoire. Celle-ci me semble du moins respecter plus compl\u00e8tement que celle de Gudeman les indications sur lesquelles j\u2019ai attir\u00e9 l\u2019attention. \r\nElle permet en outre de mieux comprendre les r\u00e9percussions des \u00e9v\u00e9nements de la premi\u00e8re moiti\u00e9 du VIe si\u00e8cle sur l'esprit \r\nde Philopon. [conclusion, p. 356-357]","btype":3,"date":"1953","language":"French","online_url":"","online_resources":"https:\/\/uni-koeln.sciebo.de\/s\/vWLkdYndnRLFCbW","doi_url":null,"categories":[],"authors":[{"id":92,"full_name":"Evrard, \u00c9tienne ","role":{"id":1,"role_name":"author"}}],"book":null,"booksection":null,"article":{"id":553,"journal_id":null,"journal_name":"Bulletin de la classe des lettres, sciences morales et politiques de l'Acad\u00e9mie Royale de Belgique","volume":"5e S\u00e9rie, Tome 39","issue":"","pages":"299\u2013357"}},"sort":["Les convictions religieuses de Jean Philopon et la date de son Commentaire aux \u00abM\u00e9t\u00e9orologiques\u00bb"]}

  • PAGE 1 OF 1